Description
Dark Angel’s Piano
2016, Sylvain Guinet s’attaque à une légende mystérieuse de la ville de Lyon, celle d’un ange déchu qui aurait prit possession d’un vieux piano pendant des années. De cette pièce minimaliste au registre différent de ces habituelles écritures, il évoque ici avec puissance, la transformation de l’ombre à la lumière.
L’histoire du piano de l’ange de la cathédrale.
En 1946, dans un quartier du Vieux Lyon, une cathédrale frappée par la guerre comptait, à proximité d’une de ses nefs, une pièce scellée depuis des années. Tandis que Jean -Charles Gauthier, charpentier natif de la région, réparait des toitures de la bâtisse, il se retrouva un jour à l’intérieur suite à l’effondrement du plafond détérioré sur lequel il rampait.
Une rosace de verre rouge et bleu éclairait légèrement cet espace tapissé de vieilles pierres. En son milieu demeurait, depuis une époque lointaine, un piano à queue recouvert d’un tapis de poussière.
Le curé, alerté par l’effondrement assourdissant, ouvrit la lourde porte avec une clef cachée qu’il délogea de l’interstice d’une des colonnes juxtaposées. D’une voix menaçante, il interrompit le geste de Jean-Charles qui s’apprêtait à poser ses doigts sur les touches de l’antique piano noir. Interloqué, le charpentier présenta ses excuses avant d’interroger le curé au sujet de l’histoire de cet instrument oublié. Il entendit ainsi parler de l’entité qui, telle une malédiction, planait sur ce piano depuis trente-six ans. Aux dires de l’homme d’église, il s’agissait d’un ange-gardien déchu qui eut protégé un individu surnommé «l’assassin aux cordes de piano».
Une semaine après l’incident, Jean-Charles, impatient et curieux, profita de l’absence du curé pour revenir dans la pièce scellée en repassant par le plafond délabré. S’il s’adonnait à ses activités de charpentier la semaine, il se faisait musicien durant le week-end. Au fil du temps, il avait acquis les capacités d’un pianiste émérite que son entourage admirait.
De sa poche, il sortit un mouchoir de soie rouge et essuya avec tendresse les touches noires et blanches du clavier. C’est alors que sursautant, il aperçut l’ange aux ailes noires assis sur le piano. Un ange à l’allure majestueuse d’une jolie femme à la peau blanchâtre portant une robe blanche. Celle-ci contrastait avec ses yeux sombres, ses longs cheveux ébènes et ses grandes ailes ténébreuses recroquevillées. Au cœur de cette salle désormais refroidie où ne parvenait aucun son extérieur, l’ange trônait tel un roi sur son royaume.
Jean-Charles, non rassuré s’avança quand même pour s’assoir sur le tabouret en chêne. Jamais il ne détourna ses yeux émerveillés de l’être qui lui faisait face. Au premier accord qu’il joua sur le piano, il fut saisi par la qualité sonore qui envahissait la pièce. Au deuxième accord, il ressentit un frisson lui parcourir la colonne vertébrale. Au troisième, les battements de son cœur s’accélérèrent. Au quatrième, ses pupilles se dilatèrent. Au cinquième, il se sentit en osmose avec l’instrument. Au sixième, il se lança dans une interprétation musicale inouïe, animé d’une vigueur insoupçonnée.
L’ange à cette écoute merveilleuse s’agenouilla au sol, blanchissant ses ailes telle une purification, se métamorphosant ainsi de l’ombre à la lumière.
Lorsque Jean-Charles mit un terme à son morceau, l’ange avait disparu, la pièce avait retrouvé sa chaleur. De retour, le curé ouvrit la porte en l’injuriant pour sa folie. Jean-Charles le rassura. L’ange ne faisait montre d’aucune agressivité, lui assura-t-il. Quant au piano, il affirma qu’il sonnait comme au premier jour.
Le curé, furieux, souleva le couvercle en lui demandant, sarcastique, comment un piano pouvait sonner de la sorte alors qu’il ne possédait plus de cordes depuis une trentaine d’années.
Voilà plus d’un siècle que l’histoire de la rencontre incroyable entre l’ange de la cathédrale et Jean-Charles Gauthier est maintenue secrète par le Vatican. Aujourd’hui, le piano aurait été dérobé, mais d’aucuns sont persuadés qu’il demeure dissimulé dans l’enceinte de l’église